L'étrange politique de l'Olympique Lyonnais
Après 12 ans d’une romance parfois mouvementée mais agrémentée d’heureux moments, les Lyonnais ont mis fin à cette belle histoire qui la liait à la Ligue des Champions. Baisse de moyens, crise oblige, baisse d’ambitions aussi, et voilà l’ancien ogre lyonnais réduit à aborder la saison 2012-2013 dans l’ombre des millions qataris, du grand stade de Lille et du champion en titre héraultais. Chaque cycle a une fin, celui de la défaite comme celui de la victoire. Après avoir dominé sept ans le championnat de France, les Gones ont cédé leur place de vedette de la Ligue 1, d’abord à Bordeaux, puis à Marseille, Lille et enfin Montpellier.
L’an dernier donc, l’OL a fini quatrième de la Ligue 1, étant éjecté du podium pour la première fois depuis le nouveau millénaire. Une éternité autrement dit, qui démontre bien l’affaissement, sinon le déclin, du club phare rhodanien.
Cette phase négative fut entamée lors de la dernière année du règne lyonnais, avec des erreurs monumentales sur le marché des transferts. Après s’être séparé d’Essien, de Tiago, d’Abidal et de Malouda la même année (!), les dirigeants lyonnais ont misé essentiellement sur des achats sur le seul territoire français, reniant ainsi sa filière sud-américaine. Deux conséquences logiques: d’une part, le niveau des recrues a baissé (Makoun, Bodmer et Keita, le trio lillois qui devait étinceler à Lyon…) et d’autre part le montant des transferts s’est accru. Quoi de plus normal pour Michel Seydoux, le président du LOSC, que de faire grimper les prix de ses joueurs lorsqu’il s’agit de renforcer son concurrent pour le titre.
Dès lors, Lacombe et Aulas se sont embourbés dans cette logique financière de surenchérir et, au final, atteindre des sommes démesurées par rapport à la qualité du joueur recruté. Aly Cissokho, qui ne laissera pas un souvenir impérissable sur son aile gauche en succession de Fabio Grosso et d’Eric Abidal, a été recruté 15 millions d’euros au FC Porto, « maître ès transferts onéreux ». Michel Bastos, certes talentueux gaucher brésilien, auteur de buts extraordinaires et ô combien importants pour son club, mais d’une irrégularité agaçante et d’un dilettantisme pénible, a coûté 18 millions d’euros aux finances rhodaniennes. À une époque où de nombreux clubs commençaient à réduire la voilure, en prévision de temps difficiles à venir, l’Olympique Lyonnais poursuivait sa politique de transferts onéreuse et finalement vaine.
Le retour de bâton est féroce pour les dirigeants lyonnais. Certes, le duo Gomis-Lisandro Lopez fut une bonne pioche réalisée par la cellule de recrutement des septuples champions de France. Mais les 22 millions d’euros dépensés pour s’attacher les services de Yoann Gourcuff font tâche, et illustrent bien les nombreuses erreurs effectuées par les Lyonnais ces derniers temps.
L’an dernier, Bakary Koné (défenseur central burkinabé, à ne pas confondre avec l’ex attaquant marseillais de petit gabarit), Fofana et Dabo ont rejoint le club. Pour des sommes très peu importantes. Et pour un résultat final assez médiocre, tant au niveau collectif que pour chacune de ces individualités.
Ce mercato, l’OL n’a enregistré pour le moment que l’arrivée de Bisevac (une bonne recrue par ailleurs). Préférant vendre avant d’éventuellement acheter, Lyon a trouvé la bonne technique pour faire fuir ses meilleurs joueurs: la communication de Jean-Michel Aulas. Le président de l’OL depuis bientôt trois décennies n’a pas fait dans la demi-mesure en Juin dernier, taillant Cris, Bastos, Kallström et Cissokho. Certes, le premier cité et le dernier cité n’ont guère plus leur place dans l’effectif lyonnais. Cris, ancien capitaine d’un OL alors à son apogée, est totalement cuit physiquement, tandis que Cissokho n’a jamais rassuré sur son côté gauche.
Mais Kallström a rendu d’excellents services aux Lyonnais, et pouvait encore apporter beaucoup au milieu de terrain rhodanien, d’autant plus avec la nouvelle blessure de Gourcuff. Enfin, Bastos fut quand même percutant plus d’une fois sur son aile gauche et vaut sans doute mieux qu’un Jimmy Briand par exemple… Le Suédois a quitté le club pour la misérable somme de 3 millions d’euros dans un club russe aux moyens financiers pourtant conséquents, tandis que le second s’en va vraisemblablement au Qatar.
Aulas se targuait d’être dur et bon en affaires. Des qualités qui se sont sans doute évaporées depuis quelques temps, puisque entre un trop plein de dépenses et des recettes faibles, l’équilibre lyonnais est de plus en plus menacée. Au point que le club doit faire des « deals » entre clubs pour négocier l’arrivée de joueurs.
Pourquoi Aulas ne réactive-t-il pas les pistes en provenance du Brésil, d’Argentine, qui sont des réservoirs de talent à des prix abordables? Sans besoin de recruter les cracks que sont Ganso ou Neymar, l’OL peut recruter des jeunes joueurs ou d’autres plus aguerris et susceptibles d’apporter une plus-value à l’effectif rhodanien.
Trop de remue-ménage
Depuis l’arrivée de Rémi Garde sur le banc de l’équipe première de l’Olympique Lyonnais, Aulas et Lacombe clament haut et fort leur volonté de faire confiance aux jeunes, et d’axer autour de ceux-ci la reconstruction du club et son retour vers les sommets. Un discours séduisant en apparence, mais uniquement de façade. La semaine dernière, l’agent de Clément Grenier, pur produit du centre de formation rhodanien, a appris que son poulain était sur la liste des départs érigée par Lacombe. Alors même que Gourcuff venait d’apprendre son indisponibilité pour au mieux six longues semaines. Grenier a du talent, et fréquente régulièrement les Bleuets, ce qui démontre son potentiel.
L’OL n’a-t-il donc rien appris de ses erreurs du passé? Loïc Rémy, chef de file de l’attaque phocéenne depuis deux saisons, est issu du centre de formation lyonnais. Mais personne ne comptait sur lui à l’époque. Timothée Kolodjieczak vaut sans doute aussi bien, voire plus, que Aly Cissokho en latéral. Mais le Lyonnais fera ses gammes avec Claude Puel du côté de l’OGC Nice. Idem pour Jérémy Pied, échangé contre Fabian Monzon. Il y a de la qualité au centre de formation rhodanien, mais les dirigeants olympiens ne font pas suffisamment confiances aux jeunes pour que ceux-ci s’aguerrissent et s’expriment pleinement lorsqu’ils jouent.
À trop vouloir faire d’économies, Aulas est en train de perdre la tête et de condamner le club à un rang de faire-valoir en championnat, au mieux de trouble-fête parmi les cinq premiers de la Ligue 1. L’OL s’appauvrit d’année en année, et les perspectives ne sont guère réjouissantes. Paris et Lille semblent supérieurs aux Lyonnais, tandis que l’effectif marseillais, certes inchangé par rapport à la saison dernière, a retrouvé foi dans le jeu collectif et dans le football. Les Girondins de Bordeaux paraissent également partir sur de bonnes bases, avec une solidité défensive intéressante, une confiance et une sérénité retrouvées et surtout un coach de talent, Francis Gillot. D’année en année, l’OL rétrograde, et ce n’est pas le début de saison convaincant d’un point de vue comptable (7 points pris sur neuf possibles) qui peut contester cette donne.
Jean-Michel Aulas n’a pas été suffisamment prévoyant. Trop dépensier lorsqu’il fallait économiser, et aujourd’hui trop économe au risque de tuer les ambitions de son club, Aulas n’a pas su parfaitement gérer la transition d’après-titre. Et en laissant la porte ouverte aux transferts, surtout aux départs jusqu’au 4 Septembre, il prend le risque de mettre à mal un peu plus encore l’effectif lyonnais, quantitativement et qualitativement.
Jérôme COLLIN