Reviens Alberto ! Revisn Alberto!

Publié le par Jérôme COLLIN

C'est un texte guère journalistique que je vous propose aujourd'hui. C'est un cri du coeur pour exprimer ma colère face au Tour de France. Cette compétition que l'on dit mythique, inégalable parmi toutes les autres courses, est en train de devenir une totale bouillie audiovisuelle. Pas de spectacle ou si peu, un attentisme réfrigérant des leaders, des crétins en bord de route. SOS Tour de France en danger !!!

 

 

Chaque année, c'est la même rengaine. Pendant trois semaines, la Grande Boucle envahit le petit écran, les journaux et les ondes radiophoniques.

Sept jours avant le début de la course, les journalistes fourbissent leurs statistiques et aiguisent leurs pronostics de courses.

Six jours avant, ils catégorisent chaque coureur et chaque formation. Untel sera le favori suprême, Untel aura la lourde charge de faire briller son équipe assez méconnue, tandis que l'Autre voudra conserver son statut de meilleur grimpeur.

Cinq jours avant, on fait monter la pression en ressassant les épisodes de la précédente version du Tour de France, en nous remémorant ce coup fumant d'un coureur, et cette belle aventure d'un autre.

Quatre jours avant, les «historiens» sortent de leur silence et se rappellent au bon souvenir des grands noms du cyclisme qui ont marqué de leur empreinte la Grande Boucle, et s'amusent à nous resservir les mêmes anecdotes.

Trois jours avant, les envoyés spéciaux commencent à arriver et à flairer la bonne interview, à chercher un sujet pour un bon papier le lendemain. Ils déambulent dans les allées du Tour, près à bondir sur toutes les choses susceptibles d'intéresser.

Deux jours avant, la tension monte d'un cran parmi les journalistes, mais aussi parmi les coureurs. Les directeurs sportifs ont la nécessité de faire du mieux qu'ils peuvent, avec la pression des sponsors qui veulent entendre leur nom associé à la réussite, à la victoire, au courage, au triomphe...

Un jour avant, on nous promet monts et merveilles pour cette édition du Tour, en déclarant, goguenard, que la précédente version ennuyeuse n'est plus qu'un lointain souvenir, et que messieurs-dames, soyez là, fidèle au poste tous les jours pour suivre trois folles semaines. Et nous tous, naïvement, nous piaffons d'impatience à l'idée que ce Tour sera un grand cru.

 

Et puis, le vide. Ou disons pour être plus honnête, la cruelle déception. Encore une fois, tout le tapage médiatique autour de cette course, la plus belle du monde pour beaucoup, n'a été qu'une illusion, un feu de paille. Les spectateurs avaient commandé du spectacle, de l'action, de l'engagement, de l'initiative, du suspens, de l'héroïsme. Le repas servi est finalement bien fade comparé à ce qui était indiqué sur la carte.

Par peur que les fans aient une indigestion de rebondissements (qui sait?), les coureurs se sont concertés inconsciemment (qui sait encore?) pour ne pas proposer un spectacle digne de ce nom. Certes, vous pouvez me rétorquer, et vous êtes dans votre droit et dans le vrai, que Thibaut Pinot, Thomas Voeckler, Pierre Rolland et d'autres ont apporté leur fraîcheur sur ce Tour, leur motivation, leur caractère expansif et combatif. Certes, cela est juste. Mais diable, ce que je demande, c'est une lutte sans merci entre les différents prétendants au maillot jaune, avec des attaques à la pelle, des raids en solitaires ou je ne sais quoi encore ! L'an dernier, l'escapade d'Andy Schleck dans le Galibier avait été merveilleuse, libératrice pour les spectateurs et télé-spectateurs jusque là terriblement frustrés. Et la riposte, ou plutôt la tentative d'Evans de limiter au maximum la perte de temps sur le Luxembourgois, avait été également saluée.

 

Ce Tour a conforté l'impression que j'ai, à savoir qu'une fois un maillot jaune solidement ancré sur un favori, plus rien ne peut le déloger. Fabian Cancellara ne pouvait remporter ce Tour, trop limité qu'il est pour endurer physiquement trois semaines de course, dont quelques étapes en haute montagne. Le Suisse, confondant de facilité et d'aisance sur les courses d'un jour (Paris-Roubaix par exemple), ne peut pas lutter sur la durée. C'est donc Bradley Wiggins, à la suite d'un contre-la-montre rondement mené, qui a endossé le maillot jaune, pour ne plus jamais le quitter. Evans et Nibali s'étaient positionnés non loin de lui, mais rien à faire, l'Anglais a conservé son bien. Sans coup férir, Wiggins a dominé ce Tour de France, profitant d'être en position de leader dans la meilleure équipe de l'année, la SKY. Pour preuve, Christopher Froome, second au classement général, était au service de Wiggins. Rien, mais strictement rien ne semblait pouvoir arriver de dangereux pour l'Anglais.

Nibali et Evans ont tenté des attaques, ou plutôt des semblants d'attaques. L'Italien était pourtant censé être en forme, et avoir les crocs. Le leader de la formation Liquigas a bien fait rouler Ivan Basso pendant des bornes et des bornes pour au final ne rien tenter et reporter au lendemain, puis au lendemain, et ainsi de suite, ses velléités offensives. Pauvre Basso, il doit l'avoir en travers, lui qui s'est échiné à mener à bon train le peloton pour aucun effet.

Qu'avait à perdre Nibali en attaquant ? Lui n'était jamais aussi près d'une victoire sur les Champs-Élysées, mais il n'a pas su mettre plus de mordant dans ses attaques, plus de tranchant, plus de vie. Si tout seul il ne pouvait y arriver, pourquoi ne pas fomenter une stratégie avec Van Den Brock par exemple, et tenter à plusieurs outsiders de faire vaciller le trône de Wiggins ?

On nous présentait Nibali incontrôlable, qui répond à ses instincts, ce qui lui joue parfois de mauvais tours dans la gestion d'une course. Se serait-il assagi d'un coup d'un seul avant le début de la course ?

 

Les banderilles de Contador viennent à me manquer sincèrement, bien que l'Espagnol ne soit guère dans mon coeur. Sa défense pour se dédouaner de son contrôle positif en 2010 l'a achevé de se ridiculiser (le steack dopé : sacré Alberto, toujours le mot pour rire!). Mais son grand retour à la Vuelta va redonner du peps, du tonus à un circuit qui en manque cruellement. Déjà l'an dernier, Evans avait été un médiocre vainqueur. Insatiable travailleur dans l'ombre certes, mais irritant de manque d'initiative, préférant limiter au maximum son retard sur Schleck pour ensuite le dévorer dans le contre-la-montre, exercice où il excelle. Belle tactique sur le papier, mais affreusement soporifique et destructrice d'intérêt. Schleck lui même a dû rapidement se rendre à l'évidence.

Certes, il est normal de se baser sur ses forces, mais Evans n'a jamais attaqué en montagne, là où il n'est pourtant pas un débutant. Il a préféré être attentiste la plupart du temps pour ensuite passer devant Schleck. Où peut-on trouver du plaisir là dedans ?

Contador, c'est l'attaque souvent, n'hésitant pas à profiter du malheur des uns (comme les problèmes techniques d'Andy Schleck) pour se forger son propre bonheur. Contador, c'est une philosophie différente du cyclisme, une philosophie offensive et pleine de risques. Quand il en a les moyens physiques, l'Espagnol se mue en un efficace dynamiteur de peloton.

 

En question de médiocrité, ceux qui entourent le Tour (!?) ne sont pas mal non plus. D'une part, le public au bord des routes est globalement affligeant de bêtise. Courir nu près des coureurs, les harceler de cris, de tapes dans le dos pour soit-disant les encourager. Certes, cette ferveur fait plaisir à voir, mais elle peut s'avérer gênante à trop haut degré. Le public aussi, qui s'amuse à lancer des clous sur la route, ou qui oublie de ne pas attacher ses animaux, de les retenir en laisse. Pourquoi amener un chien sur une étape ? Médor aime-t-il tant que ça le cyclisme, au point de ne pas pouvoir manquer le passage des coureurs ?

D'autre part, les commentaires de France Télévisions ne sont que peu intéressants. Laurent Jalabert délivre une «analyse technique» toutes les 10 minutes, et Thierry Adam se morfond dans son fauteuil, distribuant la parole à tour de rôle, et semblant se moquer quelque peu de Jean-Paul Ollivier. Le spectacle n'est certes pas au rendez-vous, et la léthargie dans laquelle se trouve le peloton la plupart du temps ne prête guère aux envolées lyriques. Mais pourquoi ne pas varier le propos, amorcer des débats de temps à autre ? L'auditeur assidu de RMC que je suis ne dispose pas d'images pour suivre les étapes. Pourtant, la vigueur d'un Christophe Cessieux, d'un Cyrille Guimard ou d'un Fred Adam est largement suffisante pour compenser ce déficit d'image.

 

L'article de Rue89 qui s'amusait à prédire le scénario de toutes les étapes à l'orée du départ était brillant d'ironie cachée. Et surtout révélateur d'un besoin d'inventer, d'imaginer différents évènements pouvant arriver sur cette compétition, étant donné que dans la (triste et morne) réalité, les assidus du Tour n'avaient que peu de choses à se mettre sous la dent pendant trois longues semaines, avec un scénario déjà tout écrit.

 

Juste après le Tour, on se lamente sur la faiblesse du spectacle proposé. On le savait pourtant, mais une semaine avant le départ, on essaie toujours de se figurer du contraire. À la bonne heure, ne vous faîtes plus piéger maintenant !

 

Jérôme COLLIN

Publié dans Autres sports

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