Une première sans saveur
Après avoir dégusté les Jeux Olympiques avec gourmandise pour la majeure partie de la quinzaine, les téléspectateurs retombent dans la routine avec les matchs internationaux où l’on retrouve l’équipe de France. Et après l’adrénaline des 100 mètres et du saut à la perche, les Bleus nous morfondent d’ennui.
Quelques semaines après la débandade ukrainienne de l’Euro 2012, l’équipe de France renouait avec la pelouse lors de ce match amical contre l’Uruguay. La Celeste rappelle d’ailleurs aux Bleus de bien mauvais souvenirs émanant de la Coupe du Monde 2010 en Afrique du Sud.
Pendant l’été, l’équipe de France a fait peau neuve en remplaçant Laurent Blanc par Didier Deschamps au poste de sélectionneur. L’ancien entraîneur marseillais étrennait donc son nouveau statut dans le stade tout neuf du Havre. Le champion du monde 98 avec les Français avait déjà imposé sa patte, imposant ses choix et faisant appel à de nouveaux joueurs. Premier match en tant que sélectionneur, et déjà Didier donne sa chance à Mapou Yanga-Mbiwa, le talentueux défenseur de Montpellier, ou encore à Christophe Jallet et Etienne Capoue.
Un renouvellement qui se pourrait être salutaire, tant en défense, la charnière Rami-Mexès en poste sous Laurent Blanc ne fut qu’à de rares occasions sereine et solide. Le duo formé de Yanga-Mbiwa et du Parisien Mamadou Sakho est sans aucun doute l’avenir de l’équipe de France. Et les premiers pas des deux se sont soldés par un satisfecit. Yanga-Mbiwa, propre dans la relance, intraitable dans sa défense des cages d’Hugo Lloris. L’un des hommes forts du MHSC l’an dernier a livré une prestation parfaite pour une première, impressionnante de facilité et de maturité. Sakho, fermement critiqué au PSG pour ses performances en demi-teinte depuis quelques mois, s’est bien comporté durant ce match.
En partie innovant dans sa liste des 22 joueurs sélectionnés, Deschamps ne pouvait pas révolutionner le jeu des Bleus en un claquement de doigt. Et de nombreux joueurs sont retombés dans leurs travers habituels. Pas étonnant que la France termine encore sans le moindre but inscrit puisque Karim Benzema s’est obstiné à dézoner, à revenir au milieu de terrain chercher les ballons, et laisser Olivier Giroud bien esseulé dans la surface de réparation. Symptomatique de ce mal, on a entendu en seconde période Didier Deschamps crié à l’égard de l’attaquant du Réal Madrid d’aller « plus haut » lors d’un coup-franc de l’Uruguay. Benzema se trouvait en effet juste devant la surface de réparation de Lloris, au lieu de se positionner devant, prêt à apporter son aide au cours d’un éventuel contre.
Les premières minutes de jeu, et plus globalement les 45 minutes de la première mi-temps ont été à l’avantage des Français. Peu dangereux certes, mais dominateurs dans la possession du ballon. L’alchimie entre Evra et Ribéry, tous deux honnis du public français, sur l’aile gauche, a été assez prometteuse. Nul besoin de s’enflammer cependant, tant le défenseur des Red Devils est coutumier des matchs assez fades après avoir ravivé l’espoir d’un retour au premier plan sous le maillot bleu. Mais l’apport offensif d’Evra fut plutôt satisfaisant, tandis que son abattage défensif fut de qualité.
Plus en difficulté sur le côté droit, Mathieu Valbuena n’a pas pu compter sur le soutien et les dédoublements de Debuchy dans un premier temps, puis de Christophe Jallet rentré pour pallier la blessure de ce premier.
Si la France a fait du ballon du match le sien avec une possession de plus de 70% parfois, elle n’a jamais pu en première mi-temps aller véritablement de l’avant et apporter un réel danger devant les cages uruguayennes. Et le faible impact de Gonalons et Rio Mavuba, deux revenants sous le maillot frappé du coq, est à mettre au compte de cette difficulté à se projeter vers le but adverse. Le Lillois est capable de beaucoup mieux, et le néophyte Etienne Capoue, désormais membre du MHSC, a marqué des points lorsqu’il a remplacé l’apatride de naissance (Mavuba est né sur un bateau dans les mers internationales). Le Lyonnais a de son côté été assez faible dans la récupération de ballons et l’orientation du jeu français.
Peu complices, Giroud et Benzema n'ont pas séduits
Sans pouvoir vraiment faire la différence sur les côtés et donc centrer proprement, les Bleus en ont oublié de servir Olivier Giroud. Le nouveau Gunner a perdu la bagatelle de 19 ballons et n’a pas touché un seul ballon de la tête pendant son temps de jeu passé sur la pelouse du stade Océane.
À force de buter sur la défense sud-américaine, les Bleus se sont frustrés et ont progressivement laissé le ballon aux Uruguayens. Ces derniers se procurant une occasion majeure à la 40ème minute, avec un centre en direction d’Abreu, qui a mal géré l’offrande, préférant donner le ballon à Forlan, pourtant peu inspiré au cours de cette rencontre amicale.
À la mi-temps, le score nul et vierge était logique. Sans intensité, ce match a viré peu à peu à l’ennui. Tellement que les spectateurs présents n’ont jamais jugé utile d’élever la voix pour encourager les Bleus, seulement pour les siffler au terme du match. La domination française s’avère stérile pendant la première période, et les transmissions de balles insuffisamment précises des deux côtés annihilent les attaques tranchantes ou autres percées. La tête de Yanga-Mbiwa sur le poteau après un corner est la seule occasion des Bleus pendant 45 minutes, et vient d’un coup de pied arrêté…
La rentrée de Capoue à la place de Mavuba en seconde période a redynamisé l’équipe de France. Plus en jambes que Rio Mavuba, Capoue a redirigé le jeu français vers l’avant, et a mieux su trouver ses nouveaux coéquipiers. Malgré toujours quelques difficultés de combinaison entre Jallet et Valbuena à droite, les espaces ont commencé à se créer, permettant à Valbuena de s’infiltrer plus facilement dans la défense sud-américaine. Les velléités offensives se sont faites plus pressantes du côté français en début de seconde période avec consécutivement un centre de Valbuena pour Ribéry, qui au lieu de frapper dans une position idéale, préfère servir de manière hasardeuse Benzema en retrait. Puis, c’est au tour de Valbuena de recevoir un centre de Gonalons, mais sa frappe est trop assurée pour inquiéter le gardien adverse.
Autour de l’heure de jeu, la situation commence à se décanter avec une équipe de France plus pressante, mais encore trop brouillonne dans ses passes. La justesse technique est trop faible pour inquiéter la sélection de Tabarez qui bétonne derrière. Plus percutants, plus mobiles, les Bleus se procurent une énorme occasion par Benzema, idéalement servi par Patrice Evra, qui trouve le poteau. Seul moment où le natif de Bron s’est signalé dans cette rencontre où il n’a guère pesé sur le jeu tricolore, le ralentissant même par des ports de balles trop longs.
C’est ensuite au tour d’Olivier Giroud de quitter la pelouse havraise. L’air marin n’aura pas souri au Français, titulaire pour la deuxième fois seulement avec l’équipe de France.
Trouvant le montant à deux reprises, les Français ont failli créer l’exploit de perdre cette rencontre sans enjeu certes, sur l’une des rares incursions de Forlan et de ses coéquipiers. Après avoir mis dans le vent Valbuena d’une feinte de corps, Rodriguez loupe sa frappe qui se transforme en passe pour Abreu, seul face à Lloris. Le portier lyonnais n’est cependant pas titulaire pour rien dans cette sélection, et son arrêt du pied fut déterminant pour empêcher les débuts de Deschamps par une défaite.
Plus entreprenants en seconde période, les Français sont malgré tout restés assez brouillons et peu appliqués dans leurs centres notamment. Le côté gauche fut plus satisfaisant que l’aile droite, du fait du faible apport offensif de Jallet. Capoue et Yanga-Mbiwa ont séduit pour leur première cape sous le maillot bleu, tandis que Rio Mavuba fut plus discret. À ses côtés, Gonalons a été également en retrait durant cette rencontre.
La première de Deschamps ne se démarque donc guère de la période Laurent Blanc, hormis dans la composition d’équipe où quelques remaniements sont opérés. La patte de l’ancien Olympien mettra du temps à être effective sur cette équipe. Les matchs du mois d’Août ne doivent pas nous tromper. En 2010, le premier match de Laurent Blanc s’était soldé par une défaite en Norvège, un résultat qui ne présageait pas de la longue série d’invincibilité de l’équipe de France. La forme des joueurs est inégale, les automatismes doivent de nouveau se former. Ceci n’empêche pas que Benzema et Giroud ont déçu, que l’animation offensive fut parfois insignifiante, souvent faible; tandis que l’assise défensive fut globalement rassurante et prometteuse.
Les Bleus ne nous ont pas régalé, c’est une certitude. La tâche est maintenant de figurer au mieux durant les qualifications pour le Mondial 2014 du Brésil. Un groupe où la France retrouvera l’Espagne, toute fraîche lauréate du championnat d’Europe des nations en Ukraine et Pologne. La première place sera presque inaccessible, il s’agit maintenant de prendre la deuxième. Et pour cela, le droit à l’erreur sera faible face aux Finlandais et autres Norvégiens.
Jérôme COLLIN