16 matchs sans défaite, et puis c'est tout ?

Publié le par Jérôme COLLIN

L'équipe de France reçoit ce soir la Belgique au stade de France en match amical. L'occasion d'enchaîner un 17ème match sans défaite, un record depuis plus de cinq ans. Mais quel crédit faut-il accorder à cette série à première vue flatteuse ? Et quelles perspectives pour cette sélection ? Analyse.

 

 

Un mal pour un bien. Les deux premiers matchs de Laurent Blanc à la tête des Bleus s'étaient soldés par deux défaites, l'une en Norvège en match amical, et l'autre contre la Biélorussie, pour démarrer de la pire des manières la phase des éliminatoires pour l'Euro 2012. Depuis donc, pas une défaite pour «Le Président», vainqueur de la Coupe du Monde 98 et de l'Euro 2000 comme joueur. Que ce soit en amical ou en matchs officiels, les Bleus étirent depuis septembre dernier leur série d'invincibilité, qui légitiment en partie donc la politique et stratégie de Blanc en tant que sélectionneur, ses choix et ses idées. Mais qu'en est-t-il réellement ? Quelle valeur a véritablement cette «période dorée» pour l'équipe de France ? Éléments de réponse.

 

Tout d'abord, jetons un coup d'oeil aux adversaires rencontrés par l'équipe de France depuis sa série d'invincibilité. Une simple confrontation contre la Biélorussie, puis une double contre la Bosnie, l'Albanie, le Luxembourg et la Roumanie ; sept matchs amicaux contre l'Angleterre, le Brésil, la Croatie, l'Ukraine, la Pologne, le Chili et donc vendredi soir au stade de France contre les USA. À première vue, on peut légitimement se satisfaire du fait que la France n'a pas perdu contre des équipes réputés de haut niveau comme le Brésil (1-0), l'Angleterre (2-1) ou bien encore le Chili (1-1). Oui, mais à chaque fois, l'équipe de France a, contre ces «grandes» nations, historiquement du moins, bénéficié de conditions favorables.

Contre l'Angleterre d'abord, avec une équipe totalement remaniée, que l'on pourrait qualifier «d'équipe B bis», tellement Fabio Capello avait chamboulé son effectif. Certes, la manière avait globalement été au rendez-vous, avec notamment un Samir Nasri en grande pompe à Wembley, mais l'insigne faiblesse des Anglais doit tempérer la valeur de cette victoire. Face au Brésil ensuite, avec une Seleçao bien peu offensive, et réduite à 10 après 45 minutes de jeu. Et lorsque l'on voit la désastreuse Copa America des Brésiliens pendant l'été 2011, l'enthousiasme n'est pas de mise après cette victoire de prestige qui n'en était pas. Enfin, au stade de la Mosson, les Bleus avaient obtenu le nul contre une équipe du Chili émoussée physiquement par sa belle Copa America. Dominateurs en première période, presque convaincant, les Bleus ont vite flanché dès que Alexis Sanchez est entré sur la pelouse amener sa vivacité. Bref, une fois de plus, pas de quoi pavoiser.

 

En éliminatoires, le bilan est globalement satisfaisant en termes de résultats. 6 victoires, 3 nuls et une défaite contre des adversaires qui n'ont, pour la plupart, opposé à la France que leur résistance physique et non pas technique. C'est bien là que se trouve le coeur du problème. Quoi de plus normal que la France vienne à bout du Luxembourg ou encore de l'Albanie ? Seulement, la France n'a gagné qu'un seul de ses matchs en éliminatoires avec trois buts d'écart. Révélateur du peu de domination dont la France a fait preuve dans le groupe D. Au moment du décompte final, la France ne devance d'ailleurs la Bosnie que d'un point, dans une poule où seule cette dernière est en-deçà de la 50ème place au classement FIFA. Certes, ce classement comporte quelques incohérences, mais la démonstration est flagrante : les Bleus ont peiné contre des sélections largement à leur portée.

 

Les résultats sont donc globalement là, puisque 16 matchs sans défaites, cela reste une belle série. Mais lorsque l'on examine donc dans un premier temps les adversaires, la valeur de cette série en prend un coup. Puis un deuxième lorsque l'on analyse le contenu des matchs des Bleus. La dernière prestation aboutie et unanimement reconnu par la presse et les spécialistes, ainsi que les supporters, remonte à septembre dernier, lorsque les joueurs de Laurent Blanc avaient largement disposé des Bosniens à l'extérieur, dans un match où le collectif avait brillé. Depuis, les Bleus sont en quête d'un autre match-référence. La victoire 4-1 contre l'Ukraine en amical ? Trompe-l'oeil, car les Bleus ont inscrit trois buts dans le dernier quart d'heure. La sèche victoire 3-0 contre l'Albanie ? Non plus, car les Bleus avaient affronté des Albanais très laxistes derrière. Le fonds de jeu est à des années-lumières de celui proposé par d'autres sélections, comme l'Allemagne. Pourquoi un tel décalage, un tel contraste entre des Bleus qui jouent ensemble depuis plus d'un an, et une équipe allemande, même largement remaniée et rajeunie, qui performe ?

Les individualités de l'équipe, celles qui brillent en club, peinent à se mettre au service du collectif. Franck Ribéry est l'un d'eux. Le Münichois enchaîne les performances remarquées dans sa Bavière d'adoption, mais une fois sous la tunique bleue, le Français balbutie son football. Même remarque pour Nasri par exemple, qui fut souvent bon en club, mais très décevant en sélection. Il manque à cette équipe également un milieu de terrain talentueux. La défense tricolore est globalement satisfaisante, l'attaque peut s'appuyer sur Benzema et Rémy. Mais le milieu pêche souvent dans la construction. Les choix de Blanc sont discutables en ce qui concerne ce secteur de jeu. Ne pas titulariser plus souvent Marvin Martin, le Sochalien, alors que ce dernier donne toujours satisfaction est étonnant. Le manque d'expérience ne peut être avancé. Le Doubiste tente plus que ses concurrents à son poste, alors que ses premiers galons remontent à juin dernier seulement. Installer Diarra en sentinelle, alors que le Marseillais est en pleine décomposition sportive est également contestable. Contre les USA, avoir associé Diarra et M'Vila au milieu de terrain en tant que créateur, alors que les deux sont plus des ratisseurs de ballon et relanceurs est étonnant.

 

Les résultats se sont révélés suffisants pour la qualification directe à l'Euro, même s'il s'en est fallu de peu. La manière, elle, n'est clairement pas satisfaisante et devra être élevée pour lutter contre les grandes équipes, comme l'Allemagne ou l'Espagne. L'annonce de la liste des 23 sélectionnés pour l'Euro approche à petit pas, Blanc devra donc rapidement faire ses choix, et les meilleurs possibles.

 

Jérôme COLLIN

 

 

Publié dans Football

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