QSI fait toujours débat

Publié le par Jérôme COLLIN

Depuis la reprise en main par Qatar Sports Investments du capital du Paris-Saint-Germain, des voix s'élèvent à travers l'Hexagone pour se plaindre de la perte d'identité du nouveau club phare de France. Nombreuses sont les critiques qui s'abattent sur le PSG. Décryptage d'un phénomène propre à notre pauvre pays...

 

C'est à se cogner la tête contre un mur. Vraiment ! Depuis que le club parisien est entre les mains de la famille royale qatarie, rien ne va plus en France. Outrés, choqués, certains Français le sont quand ils apprennent que le PSG s'en va recruter les meilleurs joueurs du monde, à l'instar d'Ibrahimovic ou de Thiago Silva, à l'étranger et en dépensant des sommes folles. En France, le riche est honni, le riche doit se cacher, le riche ne doit pas se mettre sur le devant de la scène et étaler sa fortune. Et l'aire sportive ne coupe pas à cette tradition de notre bon vieux terroir.

 

Lorsque le PSG est repris par QSI en Juin 2011, la ministre des Sports Chantal Jouanno s'était offusquée de l'arrivée d'investisseurs étrangers, préférant que le club «reste sous des capitaux français». Oubliant ainsi que le Paris-Saint-Germain appartenait avant l'arrivée des Qataris aux Américains de Colony Capital. Et déclenchant l'ire de la majorité UMP alors au pouvoir, et plus particulièrement celle de Nicolas Sarkozy.

Nasser Al-Khelaïfi, nouveau président du directoire du Paris-Saint-Germain, s'empressait de débarquer Robin Leproux et de nommer à sa place Léonardo, à la renommée mondiale. Et les deux hommes de lancer un mercato estival d'envergure, avec les signatures de neuf joueurs au total, dont l'Argentin Javier Pastore pour un chèque de 42 millions d'euros. Le recrutement était «mixte» puisque quatre joueurs venaient de Ligue 1, tandis que les cinq autres étaient en provenance d'Italie, à l'exception de Diego Lugano. Mais déjà certains se plaignent d'une perte d'identité du club, d'une part du fait du recrutement réalisé en partie à l'étranger, et d'autre part du fait de la présence de QSI à la tête du PSG.

 

 

 

Une France raciste ?

 

On peut légitimement s'interroger sur le racisme de certains commentateurs au mieux circonspects, sinon haineux, vis-à-vis de cette prise de pouvoir qatarie. Il faut bien se figurer que jamais Colony Capital n'a cristallisé des critiques pour son caractère étranger (américain en l'occurrence) mais bel et bien pour son manque d'investissement financier et humain. Les supporters parisiens en ont voulu à Robin Leproux, placé par Colony Capital, dans sa décision de dissoudre tous les groupes de supporters du Parc des Princes et de favoriser un placement aléatoire pour éviter les tensions. Les mordus du PSG en ont voulu à Colony Capital de se montrer frileux sur le marché des transferts, refusant de libérer une manne financière pour améliorer la qualité de l'effectif parisien. Les autres observateurs, neutres ou sans être supporters du PSG, ne faisaient guère de vagues sur le sujet, soulignant seulement les nombreux actes manqués sur le mercato (Sessegnon, Coridon, Edel, Landreau...). Aujourd'hui, le Qatar inquiète certaines personnes. Pour beaucoup, l'argent investi par la famille royale dans le football est sali, blanchi. Le journaliste de France Soir, chroniqueur sur RTL («On refait le match», l'émission animée par l'inénarrable Eugène Saccomano) Gilles Verdez, aime multiplier les attaques sur le PSG, arguant l'opacité qui règne autour de la provenance des liquidités des investisseurs majoritaires du club de la capitale.

Est-ce que Canal + attisait autant les tensions ? Sans doute pas. Les résultats étaient positifs, le Paris-Saint-Germain allait se renforcer au Brésil (Raï, Leonardo, Ronaldinho), ne faisant guère confiance à ces jeunes. Mais Canal était aimé, chéri par les Parisiens, et était admiré par les observateurs pour sa gestion du club.

Pourquoi ces attaques en règle, qui ne sont pas le seul fait de Verdez soit-dit en passant (et qui ne sont pas racistes dans son propre cas) ? Le Qatar est un pays minuscule mais immensément riche du fait des ressources en gaz pléthoriques sur son territoire. Si ce royaume n'est guère un exemple pour la démocratie, il n'est point une dictature sanguinaire. Appliquant la charia, comme dans de nombreux autres pays du Moyen-Orient, le Qatar restreint les libertés, notamment celles de la femme. Mais le pays s'est engagé dans une lutte contre les dictatures, participant notamment à une aide en matériel militaire aux insurgés syriens, qui se battent pour libérer leur pays du joug de la famille Al-Assad, ou en envoyant certains de ses avions militaires torpiller l'armée lybienne du feu général Khadafi.

Certains de ces agissements ne sont pas marqués su sceau de la transparence et de l'honnêteté intellectuelle, admettons-le. Les chèques promis à Zinédine Zidane si ce dernier accepte de valoriser le projet de Coupe du Monde au Qatar ne sont pas un bel exemple. Et ce même si le Français a promis d'utiliser intégralement cet argent pour sa fondation ELA.

 

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Rationalité : le maître mot du PSG

 

Pour beaucoup, le Paris-Saint-Germain a perdu la tête et son âme. Cela peut paraître vrai au premier abord. Mais s'avère être erroné au final. Certes, le PSG n'a pas de nombreux jeunes du centre de formation dans son groupe pro, dans l'équipe première. Mamadou Sakho, défenseur formé au Camp des Loges, a perdu sa place de titulaire. Du fait de la concurrence accrue depuis l'arrivée des Qataris, mais aussi du fait d'une sévère baisse de régime de sa part dans ses performances footballistiques. Carlo Ancelotti peut désormais se permettre de l'écarter puisqu'il a dans ses rangs des joueurs talentueux. Les autres sont encore très jeunes et ont le temps de percer.

 

Avant l'arrivée de QSI, le Paris-Saint-Germain ne faisait guère plus confiance à ses jeunes pousses du centre de formation. La médiocre qualité de ce dernier n'est pas récente. Sur la dernière décennie, aucun «crack» n'a réussi à émerger du PSG. Plus globalement même, les clubs français ont rarement compter sur leurs jeunes pour se développer. Certes, Eden Hazard (LOSC) ou Karim Benzema (OL) ont réussi à partir à l'étranger, dans des clubs prestigieux en étant formé en France, et surtout en portant leur club respectif aux sommets du championnat de Ligue 1. Mais ils sont aujourd'hui les exceptions qui confirment la règle. Raphaël Varane est parti de Lens avec très peu de matchs dans les jambes. Sa bonne intégration au Réal Madrid prouve la bonne qualité de sa formation, mais les Lensois n'ont pu en tirer un autre profit qu'économique.

 

Les Parisiens pourraient se sentir discriminés, tant la situation du PSG n'est pas rare en Europe, ni même en France. Dans les équipes-types des grandes écuries mondiales et françaises, on retrouve rarement des jeunes issus des centres de formation respectifs. Hormis le FC Barcelone qui a formé Xavi, Messi, Iniesta (entre autres) ou encore le Bayern Münich (Schweinsteinger, Alaba, Kroos...), très peu d'équipes ont donc des jeunes dans leurs titulaires. Ainsi, le vainqueur de la Ligue des Champions en 2012 ne comptait que Gary Cahill et John Terry parmi ses titulaires formés au club.

 

Certes, les nouveaux dirigeants du Paris-Saint-Germain ont émis à plusieurs reprises le souhait de faire du Stade de France le lieu de résidence du club de la capitale, abandonnant donc le mythique Parc des Princes. Ce qui peut symboliser d'une certaine manière une trahison et une rupture avec les codes traditionnels du PSG. Mais tous ces pseudos scandales freinent le progrès, annihilent l'ambition. Tous les grands clubs européens peuvent se targuer de posséder une enceinte grande et moderne. Les supporters d'Arsenal ont certes eu du mal à se séparer du stade de Highbury, pour céder la place à l'Emirates Stadium. Mais force est de constater que ce dernier est beaucoup plus en phase avec la dimension du club londonien, sans que le club soit dépossédé de son âme. Le Stade de France serait une formidable vitrine pour le PSG et pour le football français dans son ensemble s'il était encore plus souvent utilisé. L'accueil de matchs de légende dans le cadre de la Ligue des Champions au SDF peut être une très belle expérience.

Le conservatisme qui sied à ces critiques à l'égard du PSG est définitivement horripilant et désastreux pour l'évolution du football français. À ce titre, la bronca qui s'était élevée des voix des dirigeants et autres acteurs du football français après les critiques justifiées de Léonardo sur le manque de compétitivité du championnat de France et du football tricolore en général, témoignent de cette incapacité à se remettre en question, à intégrer les avis extérieurs et donc à générer un processus de progression.

 

Perdre son âme, est-ce que cela équivaut à changer de stade et à ne pas faire confiance à ces jeunes ? Dans ce cas-là, le Réal Madrid ou le Milan AC l'ont perdu à moitié en dédaignant le plus souvent ses jeunes, privilégiant des achats onéreux à l'étranger.

Perdre son âme, cela signifie rester fidèle à la même stratégie qui mène aux mêmes résultats ? Dans ce cas là, jamais le PSG ne pourrait remonter la pente qui l'avait mené bien bas autour de 2006, les Parisiens luttant alors pour ne pas descendre.

Les dirigeants parisiens restent donc tout à faits rationnels, dans leurs choix économiques et sportifs. Il souhaite conserver l'identité du club, une ossature saine, tout en élargissant l'échelle de visibilité du club. Dans une économie ultra-mondialisée et basée essentiellement sur l'image, les souhaits de QSI sont légitimes et surtout indispensables.

 

Les folles dépenses parisiennes choquent la France et de nombreuses personnes estiment que c'est une erreur. Pourtant, le simple transfert d'Ibrahimovic est une merveille marketing. Les maillots floqués du nom de la star suédoise ont toutes les chances de se vendre comme des petits pains, malgré le prix prohibitif (100 euros!). Les retombées commerciales seront donc importantes à en croire plusieurs spécialistes. Le PSG ne fait pas n'importe quoi, loin s'en faut, tant sportivement que d'un point de vue économique. Car les recrutements de Thiago Silva, Lavezzi, Ibrahimovic et consorts, conjugués aux éventuels apports supplémentaires de Pastore, Nene ou encore Ménez, vont permettre au club de la capitale de titiller les plus grandes équipes européennes d'ici peu, et peut-être même dès cette année. La constitution d'un effectif de rêve est également une condition sine qua non pour attirer des sponsors prêts à mettre le prix pour figurer sur les produits appartenant à la marque du Paris-Saint-Germain.

 

QSI ne fait pas n'importe quoi, c'est certain. Le projet de Nasser Al-Khelaïfi est viable et ce dans une optique de long terme. Le but est de préparer la future Coupe du Monde de football qui aura lieu en 2022 dans le petit royaume qatari, en réalisant des opérations sportives et médiatiques de grande envergure.

QSI appartenant à la famille royale du Qatar, le PSG a les coudées franches pour dépenser. La stratégie du PSG est sans nul doute la bonne, puisque les dirigeants parisiens prévoient l'arrivée imminente du fair-play financier voulu ardemment par Michel Platini, le président de l'UEFA. Le Paris-Saint-Germain a donc tout intérêt à se renforcer le plus possible cette année, puis de dégraisser progressivement son effectif dans l'optique d'avoir des comptes équilibrés l'an prochain. Le PSG fait preuve d'une anticipation bienvenue, marque de réussite dans bien des cas.

 

Démagogie, quand tu nous tiens

 

Valérie Fourneyron, ministre des Sports de la nouvelle majorité présidentielle et parlementaire, ne fait guère mieux que celle qui la précédait (Jouanno), en s'indignant du salaire touché par Zlatan Ibrahimovic. Le PSG devra vraisemblablement débourser 70 millions d'euros par an chaque année pour la simple charge du buteur hors-pair, en comptant les charges par exemple. Cette somme considérable est une aubaine pour l'État français, car il percevra une partie de celle-ci sous forme d'impôts.

Désormais sous un gouvernement socialiste, la France risque «d'officialiser» ce discours de condamnation quant aux richesses jugées excessives et démesurées, de lui donner un portée politique. Sous le mandat de Nicolas Sarkozy, la richesse était mal perçue par la population, d'autant plus sous un couvert d'austérité et de perspectives économiques guère réjouissantes. Mais l'UMP était, elle, favorable à l'arrivée de riches investisseurs en France. La tonalité devrait vite changer, si ce n'est déjà le cas.

 

Qatar Sports Investments ne se contente même pas de racheter le Paris-Saint-Germain, puisque désormais, le club de handball de la capitale est entre les mains de ces derniers. Le Qatar a également décidé d'ouvrir deux chaînes sportives en France (BeInSport 1 et 2) qui sont des filiales d'Al-Jazeera. Ces deux chaînes de télévision ont infligé un sérieux coup de fouet au championnat de France de football notamment, puisque Canal + se retrouve aujourd'hui avec seulement deux matchs de Ligue 1 par journée, contre une quasi-exclusivité l'an dernier (Orange Sport avait droit à un match). Cette concurrence va permettre de rehausser les droits télévisuels de la L1, puisque les deux chaînes risquent de se livrer une féroce bataille dans les prochaines années, sur de très nombreuses compétitions.

Cette arrivée de BeInSport est également une aubaine pour le secteur des médias. Rappelons que Canal + n'offre pas seulement du sport, mais également une large palette de programmes cinématographiques. Autrement dit, Canal a certes dû faire face à un exode de ses journalistes sportifs (à l'instar de Darren Tulett, le consultant le plus «flashy» du PAF), mais son offre sportive reste attractive, avec les deux meilleurs matchs de chaque journée de Ligue 1, mais également la retransmission de matchs de Premier League, de Bundesliga, de Liga...

Autrement dit, Al-Jazeera permet une création d'emplois, une plus large ouverture de débouchés pour les journalistes sportifs, dans une filière pourtant en proie à une crise majeure. L'investissement, l'initiative, autant d'actions économiques et humaines qui sont viables dans une situation de crise. Le directeur de cette nouvelle antenne, Charles Biétry, est conscient de ce challenge important.

 

Pourquoi tant de haines, pourquoi tant de cri à l'injustice ? Qu'une riche famille royale décide d'investir en France devrait être salué avec un enthousiasme certain. Au lieu de cela, le PSG se voit attaqué de tout part, et critiqué de milles feux.

Cette situation de rejet partiel, QSI ne la vit pas à l'étranger. Les Qataris sont propriétaires du club de Malaga, où évolue notamment Jérémy Toulalan, ancien international de l'équipe de France. En Espagne, ce rachat a été bien vu, et a permis au club de se hisser parmi les meilleurs derrière les deux intouchables que sont le Barça et le Réal Madrid.

Le fait que le FC Barcelone ait désormais une publicité sur son maillot, qui était resté vierge de toute inscription pendant plus d'un siècle (avant que l'UNICEF n'inscrive son nom sur le maillot blaugrana, mais de manière totalement gratuite), et que cet espace soit attribué à la «Qatar Foundation» a fait débat et a provoqué une grosse colère de la part des socios. Certes, mais aujourd'hui plus personne ne trouve à y redire, et à commencer par les Catalans, en proie à des difficultés financières (ce qui ne les empêche pas de recruter Jordi Alba par exemple) certes relatives mais bien réelles. Les 33 millions versés chaque année par la fondation qatarie font du bien aux finances catalanes.

Manchester City est également entre les mains de fonds privés en provenance du Moyen-Orient. Pour le plus grand plaisir des Skyblues et de leurs supporters, au vu des millions d'euros engagés par les propriétaires afin de forger une équipe de légende (et championne d'Angleterre comme ce fut le cas cette saison). Chelsea est lauréat de la Ligue des Champions grâce au travail prodigieux de Roberto Di Matteo, arrivé en cours de saison pour pallier à l'éviction de Villas-Boas, mais essentiellement de par les deux milliards d'euros injectés par le richissime Roman Abramovich, homme d'affaire russe proche du pouvoir.

Tous ces clubs ont réussi à élever leur niveau de jeu grâce à l'arrivée d'investisseurs ambitieux pour leur club et assez peu attentifs sur la dépense. Le PSG est en train de suivre ce même chemin grâce à QSI. Mais il attise les tensions, par jalousie souvent, par xénophobie rarement. Marine Le Pen était une des premières à s'offusquer que «le Qatar achète le Paris-Saint-Germain».

 

Les bonnes paroles de Rolland Courbis, qui se satisfait de la politique du Paris-Saint-Germain, sont à méditer et à faire entendre au plus grand nombre. L'hypocrisie a assez duré.

 

Jérôme COLLIN


Publié dans Football

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M
Je suis d'accord avec vous<br /> Les prix élevés plaire bons joueurs, mais aussi avoir un revenu<br /> PSG a un bon dossier, nous sommes évident pour les gens!<br /> Mais il va apporter beaucoup de supporters souvent réponse inadéquate!
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E
Je suis globalement d'accord avec vous, mais je suis persuadé que les politiques au pouvoir sont heureux de voir pareil investisseur arriver en France. En revanche, les réactions de nombreux<br /> supporters sont souvent débiles. Le Français effectivement n'est jamais content. Et pour bien montrer la médiocrité des gens il suffit de lire ce qui est écrit dans les divers forums sportifs ou<br /> politiques.
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J
<br /> <br /> Je suis heureux que vous partagiez dans l'ensemble mon opinion. Malheureusement, aujourd'hui, j'ai peur que nous soyons en minorité, par rapport aux nombreux sceptiques. Et les difficultés<br /> actuelles du PSG renforceront les doutes à mon avis.<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Je vous félicite également pour votre site Internet sur le sport, qui est très complet et vraiment intéressant. Je possède moi-même un blog Wordpress que je vous invite à visiter (lemondedejerome.wordpress.com).<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Excellente journée à vous, et encore merci d'avoir laissé vos impressions!<br /> <br /> <br /> <br />