Les footballeurs en font-ils trop?

Publié le par Jérôme COLLIN

C’est une image qui a marqué le week-end dernier. Samedi, en plein match opposant Bolton à Tottenham en Cup, Fabrice Muemba, jeune milieu de terrain de bientôt 24 ans, appartenant à Bolton, s’écroule sur la pelouse. Victime d’un malaise cardiaque, le joueur est finalement réanimé par les secours. Un drame à l’issue pour l’heure positive, mais qui pose de nombreuses interrogations quant aux cadences infligées.

Les précédents ne manquent malheureusement pas. Parmi les plus connus, ce sont Marc-Vivien Foé, Antonio Puerta ou encore David Di Tomasso qui ont péri du fait d’un accident cardiaque. Le premier est mort sur le terrain, en plein match de Coupe des Confédérations. Le second a vécu un véritable calvaire, victime de cinq arrêts cardiaques (un sur le terrain, quatre dans les vestiaires) avant de mourir 3 jours après. Le troisième s’est éteint dans son sommeil.
Fabrice Muemba fait office pour l’heure de véritable miraculé, d’autant plus qu’on a appris que son cœur avait cessé de battre pendant 78 minutes. Une éternité qui n’a pourtant pas eu raison de lui. Les médecins n’hésitent plus à parler de miracle et de chance infinie pour le footballeur de Bolton. Et si ce tragique évènement pourrait se finir bien (l’hôpital reste prudent, Muemba n’est pas encore complètement tiré d’affaires), il suscite des questions, et ramène de nouveau le problème des calendriers surchargés.

Le premier argument qui expliquerait ces arrêts cardiaques, certes rares chez les sportifs de haut niveau, si on compare à la population totale qui subit ces accidents (ainsi, rien qu’en France, le nombre d’arrêts cardiaques mortels est estimé à 40 000 par an, soit 110 par jour! Et selon c402815.jpgertains chiffres, environ 1500 sportifs amateurs décèdent chaque année d’accidents cardiaques), ce serait l’enchaînement des matchs, les rythmes infernaux qui sont demandés aux joueurs.
Pourtant, si l’on étudie les statistiques de Muemba, elles n’ont rien d’extravagantes. Le milieu de terrain de Bolton a disputé 110 matchs depuis son arrivée au club anglais, c’est-à-dire en 2008, ce qui fait un peu moins de 30 matchs par saison. Une cadence normale pour un sportif de haut niveau, à comparer aux 55 matchs de Messi pour la seule saison 2010-2011. Depuis 2008-2009, Messi totalise 204 rencontres, et la Pulga n’a jamais eu le moindre problème d’ordre cardiaque, alors même que l’Argentin se dépense sans compter sur la pelouse.
On peut donc dire que le rythme des matchs n’influe pas réellement, mais il peut être un catalyseur d’un accident cardiaque. L’effort physique augmente les risques d’accident. De plus, c’est l’intensité de l’effort qui va déclencher ou non un problème cardiaque.


Si l’on en croit François Carré, célèbre cardiologue français, le sport ne fait que révéler une pathologie cardiaque, à aucun moment il ne la forme. C’est donc le cas dans lequel se trouve Fabrice Muemba: il possèderait une malformation dans son système vasculaire (aucune information ne circule pour l’heure sur les causes de ce malaise cardiaque) qui s’est manifesté pendant le match.

Mais alors comment se fait-il que l’on ait rien détecté lors des tests médicaux?
Tout d’abord, il est essentiel de préciser que certaines malformations sont extrêmement difficiles à diagnostiquer et dépister. Les progrès de la médecine sont tels que l’on a souvent tendance à croire que tout est possible en matière de dépistage, mais ce n’est pas le cas. Ainsi, certains sportifs souffrent de problèmes cardiaques sans le savoir, et poursuivent donc la pratique de leur effort physique en totale inconscience des risques qu’ils encourent. Ce qui explique aussi le fait que certains joueurs, comme par exemple Lilian Thuram, peuvent se découvrir des problèmes en fin de carrière, alors même que la pathologie est de naissance.
Ensuite, le problème essentiel dans les tests médicaux de football est le traçage. Les clubs n’envoient pas les dossiers médicaux des joueurs lors d’un transfert dans une autre équipe. Et si le nouveau club ne détecte rien, et que le joueur se refuse à mentionner des problèmes, par choix de carrière, alors ce dernier peut jouer sans être inquiété par de mauvais tests médicaux. Le suivi laisse donc à désirer, et ce pourrait être un chantier de la FIFA à l’avenir. La santé des joueurs est primordiale, et devrait être prise plus au sérieux.
Enfin, les tests médicaux des clubs sont parfois incomplets, par manque de moyens. Le problème est que les règles ne sont pas les mêmes de partout, elles ne sont point universelles. Ainsi, un joueur qui ne peut pas jouer en France du fait de problèmes, pas forcément cardiaques, peut parfaitement être apte à jouer dans un autre championnat, car les codes médicaux ne sont pas les mêmes.

Un autre problème figure. Dans certains pays, et donc dans certains championnats, les joueurs sont en face de leur responsabilité, à savoir que même si une anomalie est détectée, les clubs leur laissent la possibilité de jouer. Une incohérence, une aberration puisque c’est la vie d’un être humain qui est mis en jeu pour le seul motif de la performance sportive.

En conclusion, on peut dire que les footballeurs sont victimes à la fois du manque de rigueur dans la législation médicale dans le sport, mais aussi quand même des calendriers importants, qui augmentent les probabilités d’accidents cardiaques. Mais les sportifs eux-mêmes ne sont pas forcément exempts de tout reproche, coupables de modes de vie peu en adéquation avec le sport de haut niveau…

Jérôme COLLIN



Publié dans Football

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