Mourinho: autopsie d'un bilan mitigé

Publié le par Jérôme COLLIN

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Il est arrivé dans la capitale espagnole tout juste auréolé d'un sacre en Ligue des Champions avec l'Inter de Milan en 2010. Il se devait de redonner au Réal Madrid son lustre d'antan, et mettre fin à cette série de cinq éliminations consécutives en huitième de finale de la C1 en gagnant cette compétition. Si José Mourinho est arrivé au Réal, c'était pour remporter la Ligue des Champions. Il a échoué...pour le moment.

 

27 mai 2010. L'Inter de Milan s'impose en finale de la Ligue des Champions face au Bayern Münich deux buts à zéro. L'équipe italienne règne sur la finale, avec en point d'orgue la prestation XXL de Diego Milito, qui parachève ainsi une saison ahurissante tant au niveau de ses statistiques personnelles que de son palmarès. En effet, l'Inter réalise un triplé retentissant Calcio-Ligue des Champions-Coupe d'Italie, qui permet à l'ensemble de l'effectif de rentrer dans la légende, dont Samuel Eto'o, déjà auteur avec le FC Barcelone la saison précédente d'une telle série.

 

Le lendemain, le fantasque président de l'Inter Massimo Moratti officialise le départ de Mourinho, qui consolide son statut de meilleur entraîneur au monde, et rend son club orphelin du tacticien qui le mena aux sommets. Le Portugais se dirige dans un club en pleine débandade et désireux de mettre fin à l'humiliante domination catalane en Espagne : le Réal Madrid. Là encore, Mourinho retrouve un président fantasque mais prêt à employer tous les moyens matériels pour dégoter les meilleurs joueurs. Au mercato d'été précédent, Florentino Pérez fait plus que casser la tirelire en déboursant près de 200 millions d'euros pour trois joueurs. Par ordre croissant, Benzema quitte l'Olympique Lyonnais pour 35 millions d'euros, Kaka part de l'AC Milan pour la coquette somme de 66 millions d'euros. Enfin, Cristiano Ronaldo devient le transfert le plus cher de l'histoire avec 94 millions d'euros ! Mais rien n'y fait, Barcelone remporte haut la main la Liga, pendant que les Lyonnais réalisent un bien bel exploit (et accessoirement un joli pied de nez à Benzema) en sortant dès les huitièmes de finale le Réal de la «Coupe aux grandes oreilles».

 

Une évolution dans les stratégies qui ne paye pas

 

Mourinho a donc énormément de pain sur la planche lorsqu'il arrive. Il doit coordonner une équipe qui multiplie les actions personnelles sans de vrai liant entre les secteurs de jeu. Le public exigeant du Santiago Bernabeu voit en lui l'homme providentiel, celui qui ramènera le club madrilène en tête de la hiérarchie espagnole et européenne.

Après un début de saison tonitruant, la Maison Blanche affronte les Blaugranas au Camp Nou. Confiants en arrivant, Mourinho et ses joueurs repartent lesté d'une «manita» (défaite 5-0) qui les hantera longtemps et marquera les esprits pour l'éternité. Trop porté sur l'attaque, Madrid se fait punir par le Barça à chaque contre. Villa régale, Messi donne le ton, Iniesta et Xavi font parler leur vision du jeu. Guardiola reprend de volée Mourinho et démontre l'impossibilité de piéger le Barça à son propre jeu : aucun adversaire ne doit avoir la possession de la balle face aux Catalans, sous peine de le perdre et de se faire contrer.

 

 

«Les confrontations face au FC Barcelone sont le symbole des difficultés de Mourinho»

 

En coach averti, Mourinho ne se fait pas avoir par deux fois. Le Portugais change diamétralement de stratégie, et privilégie le duel physique. À ce petit jeu là, Madrid domine de la tête et des épaules les Barcelonais. Question agressivité, les Blaugranas ne peuvent pas lutter face à l'âpreté physique de leurs adversaires. Mais à trop vouloir insister sur le combat physique, Madrid se saborde lui-même. Les Clasicos suivants, le Réal doit faire avec un expulsé à chaque fois. Et ne peut donc pas défendre pleinement ses chances.

En Liga, Barcelone plume le Réal Madrid et empoche un second titre de rang en 2011. Et au cours du mois d'Avril de la même année, les hommes de Guardiola prolongent le plaisir, en éliminant le Réal Madrid de la Ligue des Champions en demi-finale. Nouvel échec pour Mourinho, qui se perd dans des élucubrations infondées sur la partialité des arbitres en faveur du FC Barcelone. La seule Coupe du Roi permettra aux Madrilènes de s'éviter une saison vierge de titres.

 

Un Réal fébrile dans la concurrence

 

Cette saison, Mourinho repart sur les mêmes bases, à savoir une intensité physique de tous les instants contre les Barcelonais. Peine perdue, puisque pas plus qu'en 2010-2011 la stratégie ne fonctionne. Et «The Special One» de dégrader un peu plus encore son image en enfonçant délibérément son doigt dans l'oeil de l'assistant de Guardiola lors de la Supercoupe d'Espagne, l'équivalent du Trophée des Champions français.

 

Il faudra encore quelques mois pour que Mourinho élabore enfin un stratagème susceptible de gêner l'ennemi catalan. C'est lors de la demi-finale de Coupe du Roi que le Réal pose enfin le plus de problèmes aux Blaugranas. Même si la qualification n'est pas au bout, le Réal fait douter son adversaire, refaisant un retard de deux buts contre eux. Moins «sanguinaire», Madrid laisse le ballon au FC Barcelone, mais joue beaucoup mieux en contre, et défend avec plus de discipline.

La consécration vient la semaine dernière, lorsque Barcelone chute à domicile face à l'ennemi juré, et laisse s'envoler tous les espoirs de titre.

 

Madrid est en bonne voie de remporter le championnat espagnol. Mais une fois de plus, Cristiano Ronaldo et ses coéquipiers ne pourront pas disputer la finale de Ligue des Champions, un stade de la compétition que le club phare de la capitale espagnole n'a plus atteint depuis dix ans déjà. Sur cette élimination survenue hier, Mourinho est en grande partie responsable, pour sa mauvaise gestion du match aller. Dans l'Allianz Arena, le latéral gauche madrilène Fabio Coentrao a pris le bouillon pendant la totalité du match, et c'est lui qui ne stoppe pas Philippe Lahm, passeur décisif sur le but victorieux de Mario Gomez il y a une semaine. Mourinho n'a pas bronché même en voyant son compatriote incapable d'annihiler les offensives bavaroises sur son aile et les percées de Lahm.

 

"Mourinho n'a pas toujours servi l'intérêt du Réal Madrid"

 

 

Deux poids, deux mesures

 

Le Réal Madrid est en réalité un drôle de mastodonte européen. Impérial ou presque en Liga, détonateur d'une majorité de défenses espagnoles (109 buts inscrits pour l'heure), il coince dès lors que la concurrence se fait plus solide et plus talentueuse, dès lors que l'enjeu et la pression pénètre dans le déroulement du match.

Finalement, qu'a apporté Mourinho de plus à Madrid, si ce n'est envenimer les relations avec le FC Barcelone ? Sûrement pas des titres, puisque avec la probable Liga de cette saison, Mourinho n'aura emporté par ailleurs une maigre Coupe du Roi. Certes, le Réal a vaincu sa bête noire en dépassant le stade des huitièmes de finale de Ligue des Champions. Mais quoi de plus normal avec un tel effectif, constitué de deux ballons d'Or (Kaka et Ronaldo) et de multiples champions du monde (Casillas, Ramos, Arbeloa, Xabi Alonso) ?! L'objectif de Pérez est de dominer l'Europe avec son club, et pour l'heure, Mourinho ne lui a pas donné satisfaction sur ce point.

Est-ce simplement partie remise ? Pas sûr, car le Réal a laissé filé une sacré occasion d'atteindre le firmament et de goûter, de nouveau, à la joie d'être champion d'Europe ! En finale, Chelsea sera privé d'éléments centraux, et se voyait offert l'opportunité de ne pas affronter le FC Barcelone...

 

Jérôme COLLIN

Publié dans Football

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