La Juve retrouve les sommets

Publié le par Jérôme COLLIN

450px-Andrea_Pirlo_in_Juventus.jpg

Cela vous a peut-être échappé lors de la soirée électorale de Dimanche soir. Pendant que Hollande et Sarkozy focalisaient les attentions de nombre de Français et de médias, la Juventus de Turin pouvait enfin célébrer son titre de champion d'Italie, au terme d'une saison plus qu'époustouflante.

 

 

Six longues années de domination milanaise. Cela commençait à faire un peu long pour la Juventus de Turin, si décevante depuis le scandale des matchs truqués qui l'a condamné à être relégué en Série B en 2006. L'Inter Milan d'abord, puis le Milan AC se sont repus de cette absence prolongée au haut niveau de la Vieille Dame. Jusqu'à cette saison 2011-2012, qui marque le retour au premier plan d'un club historique du football mondial.

 

Le 6 Mai 2012 est une date importante en France, mais également en Italie. Grâce à sa victoire incontestable face à Cagliari, conjuguée à la défaite du Milan AC dans le bouillant derby milanais, la Juventus de Turin renoue avec un titre de champion, neuf ans après le dernier. Autant dire une éternité pour un club de cette trempe. Le retour s'est fait en douceur, progressivement, et a illustré l'extrême intelligence des dirigeants turinois, qui ont su bâtir une équipe sans tomber dans l'excès.

 

Tout a débuté en 2006 donc, lorsque la justice italienne rend son verdict à propos de l'affaire Moggi, une sombre histoire de matchs truqués et de corruption d'arbitres. Elle fait preuve d'une certaine clémence à l'égard du Milan AC, en revenant plusieurs fois sur son jugement. D'abord sanctionné d'un retard de 15 points dès le début de la saison, et interdit de disputer la Ligue des Champions, les Milanais parviennent finalement à accéder au tour préliminaire de la C1, et à n'avoir que 8 points de pénalité en ouverture du Calcio.

 

Les supporters de la Juventus n'auront pas cette chance. Certes, la relégation en Série B se subordonne à une première relégation en Série C, mais la «Juve» est la plus durement touchée dans le scandale. La Vieille Dame est à terre, et commence alors un «pillage» en bonne et due forme de certains de ses meilleurs éléments : Thuram, Viera, Cannavaro, Ibrahimovic... Didier Deschamps, sans poste depuis son départ de Monaco et son échec en finale de Ligue des Champions contre le FC Porto, se voit confier l'immense tâche de faire remonter le club. Immense car Turin ne peut pas se permettre de rester dans les eaux troubles de l'antichambre de l'élite trop longtemps. Il en dépend de sa survie...

 

Le club remonte finalement sans problème en Série A. Inutile de dire que ses premiers pas sont attentivement scrutés. Et les Haut-Transalpins ne déçoivent pas pour un retour dans l'élite. Certes, le club ne peut pas lutter pour le titre, relégué à 13 points de l'indéboulonnable Inter Milan, mais il se classe au troisième rang. La Juventus Turin réalise une saison semblable en 2008-2009, mais finit cette fois en dauphin de l'Inter, toujours le maestro du Calcio. Une seconde place chipée au nez et à la barbe de l'AC Milan...

 

Le trou d'air arrive en 2009. Paradoxalement, la Juventus se renforce de manière conséquente sur le marché des transferts, mais aucun joueur recruté ne donne satisfaction. La saison de la Juventus vire au cauchemar quand le club voit ses espoirs de places européennes s'envoler peu à peu. Tous les efforts consentis les années précédentes ne semblent pas payer. Le recrutement de joueurs étrangers s'avère être une erreur. Que ce soit Diego ou Felipe Melo, aucun n'est taillé pour le jeu de la Série A, réputé pour être très exigeant physiquement. Le retour en compétition européenne explique aussi cette baisse de régime, tant celle-ci est gourmande en énergie. Jusqu'à la fin de la saison 2010-2011, les dirigeants du club phare de Turin ne trouvent pas la parade pour endiguer cette mauvaise passe.

 

La délivrance viendra d'un mercato parfaitement négocié. D'une part dans la capacité à conserver les éléments centraux de l'effectif (Buffon, Del Piero). D'autre part, en associant des joueurs expérimentés à des joueurs plus jeunes, plus fougueux, mais néanmoins dotés d'excellentes qualités. Vucinic connaît sur le bout des doigts le championnat italien et les qualités qu'il requiert. Matri est également un joueur rompu aux joutes du Calcio. Andrea Pirlo quitte l'AC Milan, pourtant champion en titre. Le champion du monde 2006, véritable maître à jouer et métronome de toutes les équipes avec lesquelles il a joué, a porté à bout de bras cette équipe vers le titre.

C'est finalement un collectif plus qu'un homme en particulier qui ressort de cette équipe. Un collectif soudé, qui n'a jamais connu de tensions palpables cette année, même lorsque les matchs nuls ont commencé à s'enchaîner. L'absence de défaite cette saison souligne la qualité mentale de ce groupe, sa faculté à garder ses nerfs et à rebondir même dans des situations coriaces. Le travail de sape des «anciens» a sans nul doute payé. Del Piero, légende vivante, a usé de son expérience pour mener le groupe vers ce succès incontestable et incontesté, tant sur le terrain (la Juventus lui doit certains buts décisifs) que dans le vestiaire. Pirlo a connu les matchs à enjeux et les saisons aux grandes ambitions. Le double vainqueur de la Série A (et désormais triple) et double vainqueur de la Ligue des Champions, a également réussi à fédérer tout un effectif. Buffon, ce qui se fait de mieux au poste de gardien de but, a également pu encadrer les joueurs plus jeunes. Le tout guidé d'une main de fer par Antonio Conte,

 

Rien ni personne n'a pu stopper ce club, qui a surfé sur la vague du succès toute la saison. Les Turinois ont construit leur succès sur une assise défensive impressionnante (19 buts seulement), qui colle parfaitement avec l'image de la Série A. De plus, la Vieille Dame a pu compter sur un effectif réellement homogène, où peu de joueurs sont vraiment sortis du lot. Ainsi, il n'y a cette saison aucun buteur attitré au club. Matri est le meilleur réalisateur, avec seulement 10 unités, ce qui n'a pas empêché la Juve d'inscrire un total de 65 buts, soit la deuxième meilleure attaque du championnat italien.

 

À ce titre, il faut ajouter des circonstances favorisantes. En effet, les joueurs de la Juventus n'ont pas eu à disputer la moindre Coupe d'Europe. Quand on sait l'effet que la C1 ou la Ligue Europa avait eu les saisons précédentes sur le classement final du club, il est certain que ce surplus de fraîcheur par rapport au Milan AC a pesé dans la balance. De plus, la Juve profite du cruel déclin de l'Inter Milan, qui ne met plus un pied devant l'autre depuis le départ de José Mourinho. Un concurrent de moins donc dans la course au titre.

 

 

Un effectif de qualité, des joueurs d'expérience, un entraîneur à poigne, une confiance acquise au fur et à mesure du déroulement de la saison, un calendrier allégé : rien ne pouvait arrêter cette Juventus de Turin. Il sera intéressant de voir comment le club va négocier le virage qui se présente à elle. Le plus dur ne fait que commencer...

 

Jérôme COLLIN

Publié dans Football

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article