Direction Münich

Publié le par Jérôme COLLIN

On ne les attendait pas vraiment, mais ce sont bel et bien les équipes du Bayern Münich et de Chelsea qui seront à l'Allianz Arena pour disputer la finale de la Ligue des Champions. Retour sur leur parcours et les raisons de cet accès au dernier stade de la prestigieuse compétition.

 

Aussitôt la certitude que le FC Barcelone et le Réal Madrid ne pouvaient pas se rencontrer avant la finale connue, le monde s'est pris à rêver de cette finale entre les deux ogres espagnols, colosses financiers, sportifs et en terme de marketing. Et rien, absolument rien ne pouvait empêcher cette affiche alléchante, dont le parfum flottait déjà dans les conversations et les salles de presse.

 

Au grand dam de nombreux amateurs de football, le Bayern et Chelsea ont cuisiné respectivement le Réal et le Barça, et s'érigent comme les surprises de cette édition 2012 de la «Coupe aux grandes oreilles». Pour beaucoup, un duel Allemagne-Angleterre est beaucoup moins attirant et tape-à-l'oeil que l'affrontement garanti «100% Espagne». Il ne faudrait pourtant pas se méprendre sur ces deux équipes finalistes, car leur parcours relève pour l'heure d'un beau tour de magie.

 

Au premier tour, le Bayern Münich n'a pas vraiment été servi par le tirage au sort. L'UEFA a eu un peu la main lourde et a regroupé plusieurs ténors dans le même groupe. Au final, les Bavarois ont dû se coltiner Manchester City (futur champion d'Angleterre), Naples et Villareal. On donnait de ce dernier peu de chances de se qualifier, ce fut pire que cela. Les Espagnols (décidément pas à la fête dans cette C1) ont fait office de victime expiatoire et de faire-valoir pour les autres clubs. 2 buts marqués, 14 encaissés, un bilan de 6 défaites en 6 matchs joués (l'ont-ils été vraiment?) et «adios» les coupes européennes pour le «sous-marin jaune», qui a vraiment nagé dans les profondeurs en Liga cette année, mais n'a pas fait honneur à sa prétendue imperméabilité...

Ainsi soit-il, quand les joueurs ibères étaient au mieux des sparring-partners, au pire des punching-balls, les Citizens et les Napolitains ferraillaient sévèrement avec les Bavarois. Mais la rigueur allemande suffit à sortir de ce groupe coriace, mais pas insoutenable.

 

drogba-attend-mourinho-et-le-real-en-finale-de-la-ligue-des.jpgPour Chelsea, pas de répit à Stamford Bridge. Les Blues ont fait carton plein comme rarement cette saison à domicile : 3 matchs, 3 victoires et 10 buts marqués pour aucun encaissé. À l'extérieur, Chelsea a levé le pied, en concédant deux nuls pour une victoire. Rien de grave puisque les Anglais passaient le premier tour en tête.

 

En huitième de finale, pendant que la France se lamentaient ou se gaussaient devant l'élimination, que dis-je, l'humiliation infligée par Nicosie à l'OL, Chelsea régalait le football, le vrai. Et c'est d'ailleurs à ce stade de la compétition qu'est intervenu le tournant de la saison du club anglais. À la traîne en Premier League, lâché par son public, plus capable de supporter Villas-Boas dit «The Special Two», Chelsea coulait doucement vers la médiocrité. Et Naples prenait les devants au match aller avec une victoire 3-1 dans un stade en fusion. Preuve qu'avec seulement 52 000 spectateurs dans une enceinte, l'ambiance peut être totalement déjantée...

 

Mais le match retour allait dévoiler une surprise, ou plutôt deux. La première était que l'entraîneur sur le banc des Blues changeait de nom et accessoirement de tête. Abramovich, la mort dans l'âme, non pas pour des sentiments affectifs envers Villas-Boas mais pour des raisons pécuniaires douloureuses, se séparait de ce dernier, honteusement incapable de tirer cette équipe vers le haut. Pour le supplanter, c'est Roberto Di Matteo, Italien comme son nom l'indique, qui pose ses valises, et sort de celles-ci Lampard, Terry et Drogba. La seconde est que l'équipe en ballotage défavorable, Chelsea, se qualifiait à l'issue d'un match splendide (4-1 après prolongations).

Chelsea a alors commencé à croire en ses chances en Champions League. Mal engagés en championnat, les Blues ont fait le forceps en C1 pour sauver leur saison, et assouvir enfin le désir le plus cher à l'oligarque russe. Redynamisé par cette qualification inespérée, le club londonien a pu compter sur ses cadres, mis au placard par Villas-Boas. Une erreur de plus du Portugais, quand on constate leur importance dans le cheminement progressif de Chelsea dans la compétition. En quart de finale, cela s'est moins constaté, mais en demi, ils ont été déterminants. Drogba d'abord, en inscrivant le but décisif à l'aller, sur l'unique occasion londonienne, et pour son travail défensif de sape. Inlassablement, l'attaquant ivoirien a défendu becs et ongles ses cages, sans oublier son rôle de buteur. Lampard ensuite, avec une influence dans le jeu prépondérante. Terry enfin, en capitaine d'une équipe parfois chancelante face aux vagues blaugranas, mais qui n'a jamais cédée. En finale, l'absence de ce dernier pourrait peser lourd aux hommes de Di Matteo...

 

Au Bayern, le titre commençait déjà à s'éloigner, la faute à une équipe de Dortmund sur un nuage. Et ce n'est pas le FC Bâle, certes responsable en partie de l'élimination prématurée de Manchester United, qui devait empêcher les Bavarois de se rabattre sur «leur» Coupe d'Europe. Après un défaite à l'aller 1-0, Mario Gomez affinait ses statistiques au match retour, inscrivant devant une Allianz Arena repu de buts, quatre réalisations (7-1).

 

Münich avait coché la date du 19 mai depuis bien longtemps. Le club allemand savait qu'il recevrait dans son enceinte la finale de cette prestigieuse compétition européenne, et il n'était pas question pour Uli Hoeness que les Bavarois ne soient pas de la fête. En retrait l'an dernier, Münich a cette fois-ci pu s'appuyer sur ses joueurs majeurs, qui se sont remis dans le sens de la marche à partir du mois de février. Arjen Robben, jusque là à côté de ses pompes, a repris du service. Franck Ribéry a également franchi un nouveau palier pour se rendre indispensable au club et à ses coéquipiers. Gomez est resté tel quel : monstrueusement efficace quand il s'agit de planter un but salvateur. Et si derrière, la charnière Boateng-Badstuber file les chocottes à ses supporters, l'équipe compense sa maladresse défensive par des ailiers plus performants, notamment à droite avec Philipp Lahm, le complément idéal de Thomas Müller, et une attaque puissante. Depuis les huitième, les quatre hommes offensifs du Bayern ont inscrit l'intégralité des buts du club. En pleine possession de leurs moyens, ce quatuor est presque inarrêtable.

 

Les deux clubs ont finalement un point commun dans leur succès : la volonté de tout renverser. Chelsea s'est retrouvé plusieurs fois au bord du mur, à l'agonie en huitième et en demi. Mais c'était sans compter sur les ressources mentales exceptionnelles des Blues. Certes, le jeu pratiqué et la stratégie adoptée par Chelsea contre les Catalans n'a pas plu. Mais personne ne pourra leur enlever la beauté brute de leur qualification. Côté bavarois, l'espérance n'était pas de mise avant de recevoir l'ogre madrilène. Et c'est à force de courage et de persévérance que les Münichois ont fait la différence. Manuel Neuer est aussi le héros du match retour, repoussant deux tentatives madrilènes, mais c'est globalement le caractère combatif du Bayern qui a permis cet exploit.

 

 

Pour cette finale, les absents vont coûter très cher. Chelsea paraît diminué par l'absence de John Terry, suspendu après avoir encaissé un carton rouge immensément stupide contre le Barça. Le capitaine des Blues porte l'âme de l'équipe, outre son importance également dans le jeu. À Münich, l'infirmerie est vide de joueurs majeurs.

Chaque équipe a terminé son championnat, plus ou moins décevant. Pour les deux clubs, cette finale revêt une importance capitale, sans doute un peu plus pour Chelsea, qui voit là une dernière opportunité de se qualifier pour la Ligue des Champions la saison prochaine. Le Bayern n'a pas ce problème, étant second de la Bundesliga.

Les coéquipiers de Ribéry auront l'avantage du terrain, à eux de le transformer en atout, et de ne pas s'infliger une pression annihilant tous les efforts produits jusque là.

La clé du match consistera dans la stratégie de Chelsea, et sa capacité à l'appliquer. Si Di Matteo choisit de poursuivre sa tactique ultra-défensive qui a fait merveille contre le Barça, le Bayern aura du mal à inscrire un but, et devra faire très attention à ses arrières. Cependant, le jeu bavarois n'a rien à voir avec le football développé par les Catalans. Par conséquent, la stratégie choisie par Chelsea pourrait être totalement revu, et plus se baser sur la possession de balle. Dans tous les cas, la possession de balle sera cette fois beaucoup plus équilibrée, ce qui obligera les Blues à construire leur action avec un bloc adverse bien ancré.

Publié dans Football

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