Paul-Henri Mathieu, le courage dans la peau

Publié le par Jérôme COLLIN

02.06_paul-henri-mathieu-REUTERS-930x620.jpg_scalewidth_630.jpgC'est l'histoire d'un mec qui n'a jamais rien lâché. Mentalement, Paul-Henri Mathieu est peut-être ce qui se fait de mieux dans le tennis actuel. Un modèle d'abnégation, de courage, d'envie qui peut déplacer toutes les montagnes.


Espoir du tennis français, Mathieu avait gagné ses lettres de noblesse à Roland-Garros, en faisant batailler l'ogre Nadal en 2006. Certes, l'Espagnol n'était pas encore au sommet de son art, mais il avait dû ferrailler de longues heures et pendant quatre sets, où le Français avait eu plusieurs fois l'occasion de pousser encore plus Nadal dans ses derniers retranchements. Après 4 heures intenses, Mathieu avait rendu les armes, mais s'était attiré une ovation méritée.

 

 

 

Puis, «Paulo» devait à nouveau subir les aléas de la médiatisation sportive. Après avoir fait les grands titres des journaux généraux ou spécialisés, PHM retombait peu à peu dans l'oubli, la faute à une confirmation assez difficile après ce match référence contre le sextuple vainqueur de Roland-Garros. Certes, il gagne à Gstaad et Casablanca en 2007, mais c'est trop peu pour un des nombreux espoirs du tennis français. De plus, l'ascension progressive des Monfils, Simon, Tsonga et autres Benneteau fait de l'ombre à Mathieu, qui devient progressivement un joueur auquel on attache moins d'importance. Il ne représente plus l'avenir du tennis français pour certains.

 

 

 

Puis en 2011, c'est la tuile. Il abandonne à l'Open d'Australie, touché au genou. S'ensuivra une très longue indisponibilité. Une période qu'il aura du mal à traverser, dont il garde encore une rancoeur tenace à l'égard de certaines personnes. Mais après des mois de remise en forme et d'entraînements d'arrache-pied, PHM revient en Février sur le circuit. Petit à petit, il grapille des places au classements, remporte des matchs contre des joueurs mieux classés que lui, et attire de nouveau l'oeil des caméras. Jusqu'à Roland-Garros et mercredi soir.

 

 

 

Mercredi, face à John Isner, Mathieu en a vu de toutes les couleurs, mais a également subjugué le court Philippe Chatrier de marathons époustouflants et de coups gagnants épatants. Pendant cinq heures quarante-et-une minutes de jeu, les deux hommes nous ont proposé un match épique, grandiose, qui restera dans les annales du tournoi.

Après la perte du premier set au tie-break, exercice favori de l'Américain, Paul-Henri Mathieu n'a pas lâché, et immédiatement repris la lutte, principalement de fond de court. Précis dans ses coups, opportuniste à la moindre occasion offerte par Isner, Mathieu a démontré une force physique que l'on ne lui connaissait pas. Encore plus inattendue que Paulo sort d'une longue période d'inactivité, et n'avait plus eu l'occasion de gambader sur un court aussi longtemps, dans un match d'une telle intensité. Inattendue aussi puisque Mathieu avait déjà attendu le cinquième set au premier tour pour entrevoir la qualification.

 

Dans les deux sets qui suivirent, celui qui fera un gigantesque bond au classement ATP à la fin de la quinzaine a pris l'ascendant sur son adversaire, notamment dans le domaine du service. Isner, de par sa taille imposante, est un redoutable serveur. Mais Mathieu a su, tout au long du match, décrypter cette fameuse arme afin de ne pas être dominé à chaque début de point. Mieux, il s'est emparé à plusieurs reprises du service de son adversaire, pour se donner le droit de disputer une cinquième manche de tous les dangers.

 

Jusque là palpitante, la rencontre a atteint des sommets d'intensité au fur et à mesure que les deux comparses se rendaient coup pour coup et ne pouvaient pas se départager sur l'ocre. Le Philippe-Chatrier tremblait à chaque échange, inquiet à l'idée que Paulo puisse être breaké. Le Philippe-Chatrier trépignait d'excitation lorsque PHM s'offrait trois balles de match sur le service d'Isner...toutes écartées par l'Américain, impressionnant de maturité et de sérénité sur ces points chaud. Jusqu'à craquer à 17-16, et deux nouvelles balles de matchs à défendre, que Mathieu s'empressa de convertir.

Après un premier tour en cinq sets, avec un handicap de deux manches à remonter face à Phau, Mathieu est donc reparti pour un nouveau match marathon contre Isner. Et il ne se doute alors sûrement pas qu'il n'est pas au bout de ses peines pour le prochain tour...

 

 

 

En ce samedi soir, Mathieu est donc reparti pour un tour en cinq sets face à l'Espagnol Marcel Granollers. Si l'Ibère est d'apparence assez mou et fatigué, ses coups droits tranchants et son service puissant mettent rapidement un terme à cette illusion. Les deux premiers sets sont disputés, mais celui qui a pris une rouste par Nadal il y a une semaine à Rome profite du manque de justesse dans le jeu de Mathieu. Puis Mathieu profite du coup de pompe de Granollers pour prendre les choses en main. Revers foudroyant, coup droit précis, adroit au service, vif dans ses déplacements, PHM récite une partition presque parfaite dans le troisième set, et poursuit sur sa lancée au début du quatrième. À 4-0 en sa faveur, il laisse revenir l'Espagnol sur ses talons mais empoche quand même le set, dans un court numéro 1 survolté et électrique.

Au comble de l'excitation lorsque Mathieu s'offre une balle de break dès le début de la dernière manche va rapidement succéder le silence de la désillusion, de la déception. Granollers est plus frais physiquement, et ne laisse plus passer sa chance. Il fusille Mathieu 6-1 dans le dernier set...

 

 

Mais est-ce vraiment une peine que vit le Français ? Après des mois d'inactivité, de rééducation frustrante, le 276ème mondial lors de son arrivée aux Internationaux de France revit sur les courts et peut de nouveau courir à fond la caisse sur un terrain de tennis, sur son jardin, là où il s'exprime le mieux. Mathieu était l'une des attractions de son Roland-Garros, il était attendu par ses coéquipiers français, par le public, par les observateurs, par Jean Gachassin. Il ne les a pas déçu et peut désormais voir l'avenir la tête haute. Ému aux larmes après cette défaite, PHM a frappé très fort pour son retour sur le grand circuit. À 30 ans, une nouvelle carrière attend celui qui aura marqué de son empreinte cette première semaine du tournoi du Grand Chelem. Un homme simple, généreux, qui aura ravi les spectateurs et téléspectateurs, les passionnés de la petite balle jaune. C'est désormais certain : Paul-Henri Mathieu est un mec qui ne lâche jamais rien.

 

Jérôme COLLIN

Publié dans Tennis

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