Place au gazon

La saison sur herbe a déjà démarré avec notamment le sacre de Haas au tournoi de Halle contre Roger Federer. Rafael Nadal avait décidé d’y affronter son rival suisse et ainsi renoncer à l’habituel tournoi du Queen’s, mais comme Mélenchon face à Le Pen à Hénin-Baumont, il n’y aura pas eu de combat, la faute à une élimination précoce de l’Espagnol. À moins de dix jours de Wimbledon, tour d’horizon de ce qui peut nous attendre lors de ce troisième tournoi du Grand Chelem.

Il y a une semaine, Rafael Nadal a de nouveau frappé un grand coup dans l’histoire du tennis et du sport en général. À 26 ans et une poignée de jours, l’Espagnol est devenu le premier joueur à remporter sept fois le tournoi de Roland-Garros, et il devient seulement le troisième joueur à totaliser autant de victoires dans un même tournoi du Grand Chelem. Au-delà des chiffres, proprement ahurissants, c’est la manière dont Nadal a toujours le désir de gagner qui sidère. Avec 11 titres du Grand Chelem, le taureau de Manacor se rapproche toujours plus de la légende Roger Federer, qu’il aurait talonné si Djokovic ne lui avait pas mis des bâtons dans les roues pendant près d’un an.

Avec ce cinquantième titre ATP, Nadal a donc préparé au mieux la suite de la saison riche en évènements. Wimbledon donc, mais également les Jeux Olympiques où il visera une seconde médaille d’or consécutive, pour finir par l’US Open, où il doit également prendre sa revanche sur Djokovic comme sur le gazon du All England Club. Mais il n’aura pas la tâche facile, comme l’a démontré la finale de Roland-Garros, où le Serbe a poussé Nadal à puiser dans ses ressources pour ne pas voir une énième finale lui échapper des mains.

Avec 5 finales de suite en Grand Chelem (série en cours), Rafael Nadal n’envisage donc que la victoire à Wimbledon. Outre Djokovic, qui peut le concurrencer? Roger Federer, même s’il réalise pour l’heure une saison 2012 séduisante, n’arrive pas à passer l’obstacle des demi-finales cette année en Grand Chelem. Barré par Nadal à l’Open d’Australie, étrillé par Djokovic aux Internationaux de France, le Suisse ne semble plus vraiment en mesure de remporter un grand tournoi quoi l’oblige, ou bien à profiter d’une blessure d’un gros bras, ou bien à remporter deux matchs contre deux géants du tennis d’aujourd’hui. Sans titre du GC depuis Melbourne en 2010, la probabilité d’en soulever un se réduit de mois en mois. Cependant, Roger Federer n’est jamais aussi bon que sur le gazon, surface où il a remporté notamment à six reprises Wimbledon. À voir donc…

Djokovic et Nadal ont pris le pouvoir du circuit ATP, et assez peu de joueurs semblent en mesure de les empêcher de se disputer tous les titres majeurs. Comme Federer et Nadal il y a peu, le Serbe et l’Espagnol sont intouchables et apparaissent de plus en plus comme la nouvelle paire de gloutons du tennis masculin. Alors que les femmes se cherchent une reine (Kvitova, Azarenka et aujourd’hui Sharapova ont tour à tour prétendu à ce rôle, sans vraiment y faire honneur sur la durée) depuis le départ de Hénin-Hardenne, les hommes n’ont pas vraiment d’alternance au sommet du classement.
Les deux meilleurs joueurs au monde et ce depuis l’année dernière sont à l’aise sur herbe, même si ce n’est pas leur surface favorite, pas là où ils s’expriment le mieux. L’an dernier, Novak Djokovic l’avait emporté en quatre sets face à Nadal, mais la donne n’est plus la même. Le Serbe reste sur trois défaites consécutives face à l’Espagnol, mais surtout il n’est plus autant dominateur que l’an passé, d’une part parce que lui-même n’a pas su (était-ce seulement possible?) prolonger son état de grâce de 2011, et d’autre part du fait du travail acharné de Nadal pour rendre son jeu moins prévisible, plus gênant. Ce dernier a déjà remporté par deux fois Wimbledon, dont une fois en battant le maître des lieux, en la personne de Roger Federer. Il a donc l’opportunité de faire la passe de trois cette année.
Novak Djokovic aura à cœur de repartir de l’avant après son espoir déchu de quatre victoires consécutives en Grand Chelem. L’an dernier déjà, Roland-Garros avait été le théâtre de la chute de son piédestal, Federer lui infligeant sa première défaite de la saison, mais le Serbe avait su parfaitement digérer cette période. Très imposant mentalement, il ne fait guère de doute que Djokovic rebondira aussi bien cette saison. Sa détermination conjuguée à son talent tennistique le rend plus redoutable encore.

Cependant, plusieurs autres joueurs peuvent prétendre au rôle d’outsider susceptible de faire un parcours inespéré. L’an dernier, Jo-Wilfried Tsonga avait eu ce profil, atteignant le dernier carré, alors que tout le monde le donnait battu bien plus tôt. Le Français est tout à fait capable de réitérer une pareille performance. En confiance après sa défaite certes frustrante contre Djokovic à Roland-Garros (quatre balles de match en sa faveur qu’il n’a pu concrétiser), le Manceau attaque une période de l’année où il avait été au four et au moulin l’an dernier. Par conséquent, le bilan comptable l’oblige à réaliser à nouveau des exploits s’il veut conserver sa place de numéro 5 mondial, au profit de David Ferrer. Le gazon sied parfaitement au jeu offensif du Français. Néanmoins, sa blessure au doigt pourrait l’handicaper dans les jours prochains et le rendre plus vulnérable…
Derrière, David Ferrer sort d’une quinzaine parisienne historique en ce qui le concerne. Demi-finaliste pour la première fois sur la terre battue de Paris longtemps maudite, l’Espagnol aura du mal à faire de même sur le gazon qui ne l’a jamais vraiment récompensé. Del Potro et Berdych sont clairement des candidats aux places d’honneur voire mieux. Les deux géants du circuit, au profil similaire, traversent des périodes différentes. Le premier a toujours du mal à retrouver le niveau qui était le sien avant sa blessure, tandis que le second est dans une période faste malgré sa défaite en huitième à Roland-Garros.

Jérôme COLLIN

Crédits photo: Matt Morelli