Tsonga peut-il le faire?

Publié le par Jérôme COLLIN

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Promu au cinquième rang ATP cette semaine, Jo-Wilfried Tsonga devient l’un des rares Français à pénétrer dans ce cercle fermé et de très haut niveau du top 5. Si Tsonga ne possède que 65 points d’avance sur David Ferrer, qu’il a donc délogé à la cinquième place, le Français peut-il garder cette position sur le long terme? Eléments de réponse.




Depuis sa défaite, rageante, au troisième tour de Roland-Garros face au Suisse Stanislas Wawrinka, Jo-Wilfried Tsonga n’est plus le même. Transformé, métamorphosé, les adjectifs ne manquent pas pour caractériser un changement profond chez le meilleur Français au classement ATP. Seulement 22ème au début de l’année 2011, au fond du trou lors de la tournée sur terre battue, avec des éliminations précoces, le Manceau a rebondi à un niveau où on ne l’attendait plus. Ce dernier a surpris tout son monde, sauf lui selon ses propres dires. Pourtant, il revient de très loin.

Tsonga dans les « profondeurs » du classement, c’est bel et bien fini. Au moins pour un moment du moins. Car cette semaine, le Français a célébré un bien bel évènement, anecdotique aux yeux de certains, en accédant pour la première fois de sa carrière, et pour la première fois depuis Sébastien Grosjean chez les joueurs français, au top 5 du classement ATP. Et même si David Ferrer s’est empressé de lui reprendre son dû, Tsonga a quand même frappé un grand coup sur la table. Alors peut-il vraiment à terme s’installer durablement dans le top 5 ? Les raisons sont multiples, à la fois pour être confiant, mais aussi pour douter de cette possibilité.

Il est vrai que Jo-Wilfried Tsonga surfe sur une dynamique impressionnante, puisqu’il a remporté depuis son élimination à Roland-Garros en 2011 trois tournois en tout, et atteint la finale du Masters 1000 de Paris-Bercy et la finale des Masters, qui regroupent les huit meilleurs joueurs de la saison, battu à chaque fois par Roger Federer. Ses résultats en Grand Chelem sont également satisfaisants, avec une demi-finale à Wimbledon, suite à un quart de finale époustouflant face à…Roger Federer, ainsi qu’un quart de finale à l’US Open, tournoi qui ne lui a jamais franchement souri. Sa saison sur gazon, aussi bien qu’en dur indoor fut donc pleinement enthousiasmante et encourageante pour l’avenir. Et son début de saison avait idéalement commencé, avec un titre à Doha, après une finale remportée face à un autre Français, Gaël Monfils. Si sa défaite en huitième de finale de l’Australian Open a laissé à désirer, Tsonga a encore atteint les demi-finale à Marseille, stoppé par Del Potro.

L’an dernier, Jo-Wilfried Tsonga a aussi bien réalisé de belles performances en tournoi que des exploits contre des joueurs du top 4. Il a battu Federer par deux fois, explosé Nadal aux Masters, déjà battu Juan Martin Del Potro. Bref, le Français ne nourrit pas de complexe face aux mieux classés que lui. Titiller les plus grands, Tsonga en est capable donc. Surtout depuis qu’il sait gérer ses matchs de façon harmonieuse, et avec plus de sérénité. La fatigue pèse moins sur ses performances et sur son jeu, et sa victoire, certes étriquée, face à Marcos Baghdatis au premier tour du tournoi de Dubaï en atteste. Arrivé aux Emirats Arabes Unis épuisé par son match en double disputé le dimanche, et par le trajet, ainsi que les variations de température, le numéro 1 français ne s’est pas laissé avoir lors de ce match qui ressemblait à un traquenard. Peu spectaculaire, Tsonga avait fait le boulot, à savoir jouer le plus juste possible, et faire parler sa supériorité technique sur le Chypriote. Le Français s’est également assagi, sachant primer l’efficacité au spectacle. Quand son compère Gaël Monfils se plaît à revêtir son costume d’amuseur public, et ainsi voir ses résultats en pâtir, Tsonga préfère rester pleinement concentré sur son match. Même peu inspiré, notamment au service, Tsonga va réussir à s’en sortir face à des adversaires au plus faible potentiel que lui, contrairement à d’autres joueurs. La régularité face aux joueurs moins bien classés voilà qui taille aussi (pas que bien sûr!) la réputation d’un joueur de qualité.

De plus, Jo-Wilfried Tsonga dispose d’une qualité physique exceptionnelle, que peu sur le circuit masculin peuvent se targuer de posséder. Et encore plus depuis que Michel Franco, le préparateur physique du Français, a intensifié son travail et permis au Manceau de s’affûter physiquement. Les blessures récurrentes sont un mauvais souvenir, et il y a longtemps que le Français n’a pas défendu ses chances lors d’un tournoi à cause d’une blessure. Une donnée encourageante, et indispensable pour bien figurer au classement. Où en serait Juan Martin Del Potro aujourd’hui, s’il n’avait pas dû mettre sa carrière entre parenthèses pendant près d’un an, alors qu’il frappait de plus en plus fort à la porte du top 3, après un éblouissant succès face à Roger Federer à l’US Open?
Enfin, jusqu’au mois de Juin, Tsonga n’a que 325 maigres points à défendre par rapport à la saison dernière, tandis que son plus proche concurrent, l’Espagnol David Ferrer, en a environ 2500. Autrement dit, la tâche devrait être possible jusqu’en Juin.

Cependant, quelques éléments donnent aussi du grain à moudre aux détracteurs du Français, et aux pessimistes. En effet, le Français est certes assez polyvalent sur les différentes surfaces, mais la terre battue n’est pas celle qu’il chérit le plus, contrairement à Ferrer, pur terrien. Or, d’ici Juin, deux mois vont se passer où la majorité des tournois se dérouleront sur l’ocre. Autant dire que la collecte des points n’est pas pleinement assurée pour le Français.
D’autant plus que la terre battue ralentit le jeu, et handicape le punch, la vigueur de Tsonga qui rythme ses coups. Tsonga possède également quelques lacunes, notamment sur son service, où sa deuxième balle est plus que perfectible. Face à Del Potro à Dubaï, il n’a remporté le point que trop peu souvent (32%) derrière sa seconde balle. Sans oublier le revers, qui reste un gros point faible du Français. Certes, il a progressé su ce point, mais ce coup reste encore trop inefficace pour espérer mettre en difficulté ses adversaires. Souvent, on voit le Français contourner son revers, préférant attaquer en coup droit dès que possible, symbole d’un certain déchet à ce niveau-là.

La concurrence devrait également se garnir d’un revenant, l’Argentin Juan Martin Del Potro. Ce dernier, longtemps out pour une blessure au poignet, est bel et bien de retour, et vient d’éliminer Tsonga à Montpellier, puis à Dubaï. La « tour de Tandil » est en pleine possession de ses moyens, et pourrait faire très mal au top 4 d’ici peu. L’Argentin reste sur de très belles performances dans les tournois qu’il a disputé, et devrait encore prendre du galon dans les futures semaines.

David Ferrer devrait reprendre son bien dès la semaine prochaine. Tsonga dans la peau d’un numéro 5 mondial, cela n’aura donc pas duré longtemps. Mais le faible écart qui sépare les deux en terme de points annonce une lutte intense et un chassé-croisé incessant. À moins que Tsonga ne prenne une nouvelle dimension.


Jérôme COLLIN

 

Crédit photo: Kate

Publié dans Tennis

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